LA SEMAINE DU ROUSSILLON
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* La semaine du Roussillon N°54 ( page 21 ) - Vendredi 18 Avril 1997

portrait

Pollestres : passionné de vampires
Le cinéma à coups de dents
Le paisible village de pollestres ne se doute pas qu'il abrite depuis nombre d'années un... vampire! Ou presque. Ses armes : un camescope et beaucoup d'imagination. Son plan : réaliser un film. Les crucifix et les gousses d'ail n'y feron rien. C'est un mordu.

Bruno Estraguès est un singulier personnage. Tout commence pour lui en 1987, dans une salle obscure du cinéma Le Castillet. Sur l'écran, un film d'épouvante : "Aux frontières de l'aube", première réalisation de la talentueuse Kathlyn Biglow ("Point break", "Strange Days"...). Une sombre histoire de vampires, sur fond de pleine lune en Arizona. "C'était comme un flash dans ma tête, j'ai tout de suite adoré cette histoire, j'étais... mordu!". Bruno est préparateur-auto et cinéaste amateur. Equipé du camescope familial et d'une bonne dose de sang-froid, en novembre 1995, il commence le tournage des scènes de son premier film : "L'appel de la nuit". Une horde de copains et sa soeur, Valérie, dévouée aux Carpathes, sont tour à tour acteurs, scénaristes et preneur de son. A l'arrivée : un moyen-métrage de 1h14 (dont 27 mn de bêtisier)! "Nous avons attendu la pleine lune pour tourner les premières scènes. C'est drôle, dès le début il y avait une sorte de mauvais sort sur mon projet...". En effet, l'un des acteurs fait une chute dans les escaliers, il doit arrêter. Un couple se forme parmi les comédiens et laisse Bruno "en plan". Quoi qu'il en soit, passionné, il continue mordicus son projet. Une aventure qui mène cette équipée dans des situations cocasses. "Un copain m'avait prête des fumigènes. Lors du tournage, l'appareil s'est cassé et nous étions noyé dans la fumée. J'ai dû rapidement louer du matériel en état.". Trois bouts de skotch, du ketchup et beaucoup d'idées et d'astuces permettent de réaliser les effets spéciaux. Quant aux finances : "C'est là le plus difficile. Je sacrifie tout pour mon film. Mes collègues de travail se sont cotisés et j'ai ainsi pu obtenir un pécule". Des anecdotes, Bruno n'en manque pas. Les yeux pétillants, il narre ses multiples péripéties. "J'ai écrit au PDG des stations essence Total pour avoir le droit de tourner des scènes à la station de Perpignan. J'ai aussi demandé à la SACEM l'autorisation d'utiliser certaines chansons. Je tiens à ce que tout soit fait dans la légalité, quitte à ce que cela complique la réalisation de mon film". Il va même jusqu'à acheter des prothèses dentaires pour les canines de ses vampires, et fabrique lui-même le cercueil de la créature. Un souci de réalisme... mordant. Bruno ne se lasse pas d'expliquer son film. Il brandit ses innombrables cahiers coloriés par les "story-board". Il inonde son auditoire d'une kyrielle de détails insolites. Son histoire, celle d'un passionné, il sait la communiquer. Tout comme Ed Wood, cinéaste américain qui laisse encore son empreinte sur les années 50. Ed Wood, dont l'histoire est mise en scène par le réalisateur Tim Burton dans le film éponyme, réalisait des films de science-fiction et d'épouvante avec des moyens financiers proches du néant. Taxé de fou par les producteurs de cette époque, boudé par un public qui le qualifiait de "plus mauvais cinéaste de tous les temps", Ed Wood n'en reste pas moins aujourd'hui LE personnage insolite et génial du cinéma fantastique. Bruno marche sur les traces de ce géant incompris. Il sacrifie tout sur l'autel de la futilité, investi de la volonté de voir aboutir son rêve : "Katrina".

<<Elle égorge ses victimes avec ses talons aiguilles>>

"Katrina", c'est le nom de son prochain film. Bruno est pugnace. Alors que "Lappel de la nuit" est en cours de montage, il fourmille déjà d'idées pour cette nouvelle réalisation. "J'ai beaucoup appris depuis "L'appel de la nuit". Maintenant je me sens prêt pour "Katrina", je suis plus mature...". "Katrina" relate la "vie" d'une superbe créature de la nuit, vampirisée au Moyen-âge et maudite pour l'éternité. Bruno a tout prévu. L'histoire commence au fort Libéria à Villefranche-de-Conflent où il a obtenu le droit de filmer. Souterrains et donjons, prises de vue nocturnes, frissons garantis. Il a aussi prévu des costumes d'époque, acheté un camescope plus perfomant, élaboré un script plus riche. Mais là où le bât blesse, c'est que Bruno n'a pas encore trouvé la perle rare qui chaussera les canines de la cruelle Katrina. "Je veux pour ce rôle une fille superbe. Vraiment belle. Mais attention, il faut qu'elle sache marcher avec des talons aiguilles!". Car c'est l'arme de cette enfant de la nuit : "Elle égorge ses victime avec ses talons aiguilles pour ensuite s'abreuver de leur sang!". Rappelons que cela reste du cinéma, et Bruno en a bien conscience. Son souci n'est pas de faire du "gore", mais de "produire un long métrage où l'esthétisme des images sera une priorité". Lorsqu'on le questionne sur ses ambitions au sujet de ses films, modeste, il répond : "aucune si ce n'est celles de les mener à terme". Ce constat est celui de quelqu'un qui suit ses instincts, sa passion. A une époque où il est de plus en plus difficile de concilier rêve et réalité, Bruno est l'exception. Son rêve va bientôt se réaliser, "L'appel de la nuit" sera d'ici peu porté sur écran. Celui de la salle équipée d'un vidéo-projecteur qui voudra le diffuser lors d'une soirée. Mais les municipalités louent trop cher. Pourtant Bruno garantit une salle comble : "Tous mes amis, tous ceux qui m'ont aidé et même les gens de Pollestres, mon village, sont impatients de voir mon film. Je n'attends plus qu'une salle". Alors, les mairies auraient-elles peur des vampires? Quoi qu'il en soit, Bruno n'en démord pas et invite tous ceux qui sont intéressés par son film à le contacter. Ames sensibles, s'abstenir. Vous êtes prévenus... Ch. Dessaigne

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C'était un bon "cou" pense-t-elle. Heureusement ce n'est que du cinéma.

Les vampires au cinéma
De tous les grands monstres de la mythologie fantastique, le vampire est celui qui a le plus stimulé l'imagination des scénaristes et des réalisateurs. La longue (et sans doute encore incomplète) liste d'oeuvres qui lui a été consacrée le prouve. Ces dernières années, une recrudescence de long-métrage ont remis au goût du jour ce mythe saigné à blanc. Francis Ford Coppola et son terrible "Dracula". "Entretien avec un vampire", adaptation du roman d'Ann Rice. Hollywood s'engouffre corps et âme dans les remake de pièces d'anthologie d'une autre époque. Le tout premier film réalisé sur le sujet est le légendaire "Nosferatu", tourné en 1922 par Friedrich Willhem Murnau et largement inspiré du roman de Bram Stocker dont il suit fidèlement la trace. Dans les année 30, les studios Universal font frissonner le public avec Bela Lugosi dans le rôle du célèbre Comte. Les années 60 seront celles de Christopher Lee qui symbolise encore pour beaucoup le vampire. Depuis, le mythe des Carpathes n'a de cesse de croître. Fermez bien vos fenêtres, les nuits d'été seront longues...


 


 

Bruno Estragués ©