I Madman (Lectures Diaboliques), pourra surprendre les
plus blasés des amateurs de cinéma fantastique, tant cette
production orchestrée par Tibor Takacs (dont le premier film, La
fissure, fut un succès au box-office américain, principalement
en raison de ses stupéfiants effets spéciaux visuels) s'avère
aller à contre-courant de l'appauvrissement caractérisant
les autres productions. Sur un excellent scénario de David Chaskin,
le jeune metteur en scène réussit un petit chef-d'oeuvre
caustique et impertiment, d'une rare cruauté, où l'angoisse
et la peur naissent au détour de chaque plan. Les frissons engendrés
ne le sont qu'au premier degré, le rire succèdant toujours
à la terreur, et le cinéphile pourra apprécier les
hommages innombrales effectués par Takacs et son scénariste.
Malcom Brand, le tueur fou poursuivant de ses assiduités la belle
Virginia (Jenny Wright, vampire dans Near Dark) évoque la sombre
silhouette de Vincent Price dans House of Wax. La bibliothèque aux
lions servant de décor à une singulière traque policière,
semble identique à celle de La Foire des ténébres
de Ray Bradbury. Le pianiste jouant solitairement dans la nuit, inquiétante
et énigmatique figure, la fille aux cheveux roux poursuivie dans
d'étroite ruelles trahissent les influences italiennes, celles de
Mario Bava, de Dario Argento. Le réalisateur s'amuse aussi à
retrouver le charme du Technicolor, et parvient, malgré les couleurs
qui éclatent et envahissent l'écran, à créer
un univers sordide, sale, parfois répugnant.
Film à tiroirs, film-gigogne, I Madman s'avère
un véritable feu d'artifice de virtuosité, tant artistiques
que techniques, et il faut saluer les excellents effets spéciaux
de Randall William Cook (à la fois technicien et comédien,
puisqu'il incarne, à la manière d'un Lon Chaney contemporain,
l'hallucinant et nauséeux Malcom Brand), et la très belle
partition musicale de Michael Hoenig, baroque et dramatique à la
fois, comment au temps de la Hammer Films. Bref, voilà un spectacle
qu'il faut, toutes affaires cessantes, aller savourer, comme un bon vieux
manuscrit oublié dans un grenier poussiéreux... même
si parfois un monstre redoutable et affamé, horrible créature
surgie de l'Enfer, s'apprête à vous sauter dessus pour vous
réduire en bouillie !
Daniel Scotto (Mai 1990)